Fin de Google podcasts

Pourquoi est-ce une bonne nouvelle ?

Publié le 8 janvier 2024

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Si vous vous êtes connecté récemment au podcast manager, voici ce que vous pouvez y lire.

⚠️ Google Podcasts Manager ne sera plus disponible mi-2024. Dans les semaines à venir, nous allons permettre aux podcasteurs d’importer leur flux RSS sur YouTube.

Cela fait longtemps que j’essaye de faire entendre que la massification - relative - du podcast va sans doute décliner ou du moins se réguler d’elle-même. La raison est simple, le podcast est fondé sur une technologie ancienne : le fameux flux RSS. Ce dernier étant libre, envisager un marché pérenne sur cette base semble assez périlleux.

Les podcasteurs technophiles préféreront “coder” leur podcast ou trouveront une alternative gratuite voire pas cher, y compris pour les néophytes. On est sur internet.

La fin prochaine de Google podcasts est donc un signal clair qu’Alphabet n’a pas trouvé le moyen de gagner de l’argent.

L’économie du podcast reste encore à inventer.

Qu’ils soient hébergeurs, diffuseurs, studios privés ou régies publicitaires, aucun de ces grands acteurs n’a tenté la moindre innovation en direction de ceux qui fabriquent de l’audio. Pourtant, ce sont ceux qui les font vivre. Apple en particulier incite depuis toujours à une forme de productivisme et de classement. (Vous savez : “mettez-moi 5 étoiles….”, etc.) Des milliers de podcasts naissent et meurent dans une “Youtubisation” infernale.

Depuis longtemps j’observe les podcasteurs qui cherchent le succès. Ils commettent les mêmes erreurs que leurs collègues vidéastes. Sauf qu’il n’y a pas de YouTube du podcast. Juliette Volcler appelle ça de l’industrialisation.

Le succès

Cependant, considérer le podcast comme un mode de diffusion ou un média en soi et vouloir en tirer profit n’est pas forcément une erreur. C’est ne voir qu’une partie du potentiel. Si les replays radio sont toujours en tête des écoutes, on est loin du ras de marée mainstream. C’est d’ailleurs pour ça qu’ARTE Radio (qui n’a pas d’antenne) a mis 15 ans à valoriser ses sons, tout en profitant de l’adoption technique par un public toujours plus large.

Si l’on en s’en tient aux chiffres, rares sont les succès d’audiences dus aux seuls créateurs. Le top dix de Podcharts.co en France se partage entre du replay et deux Youtubeurs (8 janvier 2024). Les productions d’ARTE Radio ou de studios privés comme Slate, Binge, Louie Média ou Nouvelles Écoutes arrivent bien plus tard dans le classement.

L’économie de l’attention

Parlons des studios privés justement. En adoptant une logique purement marchande à une technologie - rappelons-le libre - à coups d’investissements massifs et de publicités, comment ont-ils pu croire qu’un marché pourrait se créer de zéro sur la foi d’une adoption grandissante ? Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les entreprises cités plus haut commencent à sentir le vent tourner. Elles accusent les plateformes d’écoute de ne pas jouer le jeu. C’est sans doute en partie vrai, mais ce n’est sûrement pas la seule raison de leur échec commercial à terme. (J’extrapole.)

J’émets donc l’hypothèse suivante : si les revenus publicitaires générés ne sont pas au rendez-vous, c’est que les auditeurs n’ont peut-être pas envie d’être bombardés de réclames pour profiter de leurs créateurs préférés. Et les chantres du marketing de nous expliquer que la pub ça ne “dérange personne”. Ah bon ? Rappelez-moi le modèle économique de Spotify, s’il vous plait ?

Mauvaise définition

Mais, revenons au début de cet article. Il n’existe pas de définition unique du podcast, et il n’y en aura probablement jamais. Ce mot-valise recoupe des réalités très différentes. Les détailler ici serait fastidieux je vous renvoie à la cartographie de l’écosystème du podcast en France, un foutoir invraisemblable que j’appelle le “far-ouest”. Faites-vous votre opinion.

Afin de clarifier, voici la définition que j’ai adoptée du terme “podcast”, (celle d’Adam Curry) : “flux RSS contenant des fichiers audio”. Sur cette base, je pourrais distinguer ce qui est un podcast de ce qui n’en ait pas. Exemple, un contenu audio sur Spotify ce n’est pas un podcast. C’est la mise à disposition par le créateur ou son hébergeur d’un flux RSS qui lui est ailleurs. C’est le cas de toutes les plateformes dont… Google Podcast. (Ouf, je retombe sur mes pieds).

Dans le sillage du succès du podcast aux États-Unis, on a vu fleurir tout un tas de services dont le seul but est de se positionner au plus près de l’auditeur. Exemples, des hébergeurs (Acast, Ausha) qui vous fournissent le RSS et/ou le stockage, des agrégateurs mettant à disposition leur notoriété (Spotify, Amazon), ou leur écosystème (Apple, Google) pour ne parler que des plus gros. Le tout plus ou moins gratuitement avec ou sans publicité, etc. Bref, le “far-ouest”.

La décentralisation

Sur le plan économique, l’histoire récente du podcast est émaillée d’échecs retentissants - vous vous souvenez de Majelan ? - et ce pour deux raisons :

  1. Personne ne veut payer pour un équivalent web de la radio.
  2. Seuls les contenus ont de la valeur, pas les “tuyaux” qui les diffusent.

Hors depuis quelque temps déjà, la tendance bouge. Une frange difficilement quantifiable de créateurs - dont je suis - souhaite sortir de la roue du hamster du productivisme de flux. En effet, la fatigue informationnelle aidant, l’économie de l’attention finira bien par ralentir. Si ce n’est déjà le cas. (J’extrapole encore).

Sur internet on observe depuis longtemps des créatrices et des créateurs sortir des logiques de plateformes, réinvestir leur blog et resserrer leur travail autour de leur communauté la plus active. Voir ils inventent leur propre média comme le fait David Dufresne avec auposte.fr, mais je digresse.

De nouvelles solutions techniques décentralisées accompagnent cette “tendance”. PeerTube pour la vidéo, Castopod pour le podcast, etc.

La grosse bulle YouTube n’est pas en reste, et de plus en plus de vidéastes s’interrogent sur leur pratique pour sortir de la logique algorithmique.

Flux contre catalogue

Je ne suis pas sur YouTube et j’ai déjà expliqué pourquoi. Sur cette plateforme, comme sur n’importe quelle autre, la mesure du succès se fait uniquement sur les chiffres. (Nombre de vus, etc.) J’enfonce une porte ouverte en disant que ce n’est pas un bon critère. La preuve, de nombreux Youtubeurs ont lâché l’affaire et se concentrent sur la qualité. Un investissement bien plus long terme qui permet de sortir du “flux”, pour entrer dans du “catalogue”. Un contenu qui reste et auquel on peut revenir pour affiner un sujet, se distraire ou faire de la pédagogie. Ces contenus suscitent moins d’engagements sur l’instant, mais ils sont pérennes.

Le podcast n’échappe à cette logique, à la différence qu’il n’existe pas de plateforme unifiée pour les trouver et que la mesure de l’audience est encore, disons… problématique. Mais, elle est là bonne nouvelle. Cela permet à la frange historique des créateurs et créatrices de contenus audio de faire ce qu’ils font le mieux dans leur propre espace sans vraiment s’occuper des chiffres. Exemple, la fiction sonore. Si vous découvrez une fiction des mois ou des années après sa sortie elle n’en demeure pas moins pertinente. C’est une des richesses du web depuis des décennies.

Conclusion

Dans une époque où l’économie de l’attention est toujours la norme, elle finira par s’affaisser. Notre attention est limitée. Ce qui me rend optimiste. Les internautes se détourneront des contenus qu’ils subissent pour aller vers ceux qu’ils choisissent. De nouveaux “tuyaux” continueront de naître et - comme Google Podcasts - de mourir au gré du temps ; car sans nous, ce seront toujours des coquilles vides.


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Je m'apelle Dimitri Régnier. Je suis auteur radiophonique indépendant. J'écris, j'enseigne, je fais du podcast et de la radio.
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